Le vote de l'ONU sur le Sahara Occidental : plus de questions que de réponses.
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Derrière les gros titres et les déclarations diplomatiques laissant entendre que le Conseil de Sécurité se range désormais du côté du Maroc se cache une réalité plus complexe, qui repose précisément sur le droit que Rabat s'efforce d'occulter depuis des décennies : l'autodétermination.

18 novembre 2025

Photo. Dans les années 1990, l'ONU a identifié les électeurs qui devaient participer au référendum onusien, bloqué ultérieurement par le Maroc. Le registre est conservé à Genève, ainsi que dans les camps de réfugiés où cette photo a été prise. @UNPhoto/Evan Schneider

La dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la mission de maintien de la paix au Sahara Occidental, la résolution 2797, a suscité une attention inhabituelle cette année, principalement en raison de sa référence à la « Proposition d'autonomie du Maroc » comme base possible pour la reprise des négociations. Certains médias internationaux ont présenté cela comme une victoire diplomatique pour le Maroc, voire comme un signe que l'ONU s'est éloignée du soutien au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.

Cette version, cependant, ne résiste pas à un examen plus approfondi.

Ce que dit la résolution – et ce qu’elle ne dit pas

Adoptée fin octobre 2025, la résolution 2797 ne renonce pas à l’objectif de longue date de l’ONU : parvenir à une solution politique garantissant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental.

Le document n’est pas encore disponible sur le site web de l’ONU, mais peut être téléchargé ici.

Le texte stipule que le Conseil de sécurité :

« invite les parties à engager ces discussions sans conditions préalables, en prenant pour base la proposition d’autonomie du Maroc, en vue de parvenir à une solution politique définitive et mutuellement acceptable garantissant l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental… »

Autrement dit, l’autodétermination demeure le principe directeur. Le Conseil emploie un langage prudent – peut-être délibérément. Elle ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, et n'exclut pas non plus l'indépendance comme issue possible. Comme l'ont souligné des juristes, la résolution 2797 ne saurait être interprétée comme dérogeant au principe impératif (jus cogens) d'autodétermination.

Néanmoins, l'ONU se trouve aujourd'hui face à un dilemme. En mentionnant explicitement la proposition d'autonomie du Maroc sans faire de même pour la position sahraouie, le Conseil de Sécurité risque de donner l'impression d'une reconnaissance implicite du contrôle marocain – une situation qui serait contraire au droit international, à la Charte des Nations Unies et à la pratique onusienne.

« Si l’ONU commence à tolérer des occupations de facto au nom du “réalisme”, cela créerait un précédent inquiétant : sommes-nous prêts à régler des conflits territoriaux en dehors du cadre du droit international ? », s’interroge Sylvia Valentin, présidente de Western Sahara Resource Watch.

Parallèlement, la référence explicite au plan d’autonomie du Maroc pourrait inciter Rabat à enfin dévoiler les détails de ce plan. Bien que promue depuis 2007, la proposition d’autonomie n’a jamais été présentée en termes juridiques ou institutionnels précis. Le Maroc a commencé à évoquer un plan d’autonomie au début des années 2000. Les points présentés au Conseil de sécurité en 2007 étaient en préparation depuis au moins quatre ans.

Lors de son exposé au Conseil de sécurité l'année dernière, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura, a exhorté Rabat à expliquer comment le plan permettrait « une forme crédible et digne d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, et selon quelles modalités ». À ce jour, le Maroc n'a fourni aucune clarification. Le 10 novembre 2025, le Conseil royal marocain a announcé des consultations visant à « affiner l'initiative d'autonomie proposée par le Maroc dans le cadre de sa souveraineté et de son intégrité territoriale ». 

Il convient également de rappeler que le Front POLISARIO a soumis sa propre proposition de résolution du conflit en 2007, une proposition qui laissait toutes les options ouvertes, de l'indépendance à l'intégration au Maroc, la décision devant être prise par un véritable acte d'autodétermination via un référendum. Pour la première fois, cette position est absente du texte du Conseil de sécurité, alors même que le président sahraoui a récemment réaffirmé la volonté du POLISARIO d'engager des négociations inconditionnelles, conformément au droit international. 

Le texte de la résolution a été rédigé et négocié sous l'égide des États-Unis. Le président Donald Trump, avait tristement annoncé en 2020, par un tweet, reconnaître la revendication insoutenable du Maroc sur le Sahara Occidental. Ces derniers mois, il a œuvré pour « régler » le conflit d'ici la fin de l'année, dans le cadre d'une stratégie plus large liée à sa diplomatie des accords d'Abraham et à sa candidature au prix Nobel de la paix.

Critiques de l’ancien envoyé spécial de l’ONU

Christopher Ross, ancien envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara Occidental, a vivement critiqué la résolution, la qualifiant de « recul » qui affaiblit la neutralité de l’ONU. Dans une tribune récente, Ross soutient que la résolution 2797 compromet l'équilibre que les textes onusiens précédents s'efforçaient de préserver entre la proposition du Maroc et celle du Sahara Occidental.

Selon Ross, la nouvelle orientation de la résolution sur le plan d'autonomie risque de « favoriser une partie au détriment de l'autre » et met en péril la crédibilité du processus onusien. Il avertit que ce changement pourrait nuire à la capacité du Conseil à jouer un rôle de médiateur impartial et encourager le Maroc à consolider davantage son occupation.

Ross, qui a été l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara Occidental de 2009 à 2017, rappelle que l'autodétermination – et non l'autonomie – demeure le fondement juridique et moral de l'engagement de l'ONU dans ce territoire.

Ressources naturelles et exclusion économique

Avant l’adoption de la résolution de l’ONU, le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le Sahara Occidental (S/2025/612) a mis en lumière une dimension cruciale souvent négligée dans les analyses de cette résolution : l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental et la marginalisation économique du peuple sahraoui. 

Au paragraphe 73, le rapport souligne les préoccupations persistantes concernant l’inégalité d’accès à l’emploi et aux ressources sur le territoire. Les paragraphes précédents rappellent également les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a jugé que les accords commerciaux et de pêche conclus entre l’UE et le Maroc violaient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui en traitant le Sahara Occidental comme faisant partie du Maroc sans son consentement. Le paragraphe 71 fait référence à une communication adressée au Maroc par les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU, dénonçant des « violations des droits humains liées à des projets de développement côtier qui entraînent des acquisitions foncières à grande échelle, la destruction de biens privés et des déplacements de population ».

Ces passages soulignent que, même selon l'évaluation de l'ONU, les activités économiques sur le territoire restent intimement liées à son statut politique non résolu, et que l'exclusion des Sahraouis des décisions concernant leurs terres et leurs ressources persiste.

Un coup dur, mais pas la fin

Si la résolution 2797 représente un gain diplomatique pour le Maroc, elle ne marque pas la fin de l'histoire pour le Sahara Occidental. Le cadre onusien repose toujours sur le principe d'autodétermination, et aucune résolution du Conseil de sécurité ne peut remettre en cause ce fondement juridique.

Le défi consiste désormais à veiller à ce que l'ONU et ses États membres ne laissent pas l'opportunisme politique éroder le droit international. Le droit du peuple sahraoui à décider de son propre avenir demeure intact, même s'il a été temporairement occulté par le discours du « réalisme » et du « compromis ».

Dynamique et contexte du vote

La résolution 2797 de l'ONU, qui renouvelle pour un an le mandat de la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Sahara Occidental (MINURSO), a été adoptée par 11 voix pour, 3 abstentions (Chine, Pakistan et Russie – qui ont tous critiqué le déséquilibre du texte ou son incapacité à garantir l'autodétermination) et un membre refusant de participer au vote (Algérie).

Plusieurs membres ayant voté pour ont clarifié leur position par la suite. Le représentant de la République de Corée a déclaré que le texte ne devait pas être interprété comme préjugant de l'issue des négociations entre les parties. La Slovénie a souligné que les pourparlers devaient « se dérouler sur un pied d'égalité et tenir compte des positions et des propositions de toutes les parties », tandis que le Guyana a insisté sur le fait qu'un règlement devait « garantir l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental ».

La MINURSO a été créée par la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies, suite aux propositions de règlement de 1988 de l'Organisation onusienne de l'unité africaine, acceptées par le Maroc et le Front Polisario. Ces propositions prévoyaient une période de transition menant à un référendum au cours duquel la population du Sahara Occidental aurait choisi entre l'indépendance et le rattachement au Maroc. Ce référendum, bloqué par le Maroc depuis lors, demeure la promesse non tenue au cœur du processus de paix des Nations Unies au Sahara Occidental.

 

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